Conflits d'objectifs en foresterie
La transition vers la durabilité exige entre autres de la forêt qu’elle compense les obligations environnementales non satisfaites dans d’autres secteurs, d’où des conflits d’objectifs et des compromis en matière de gestion forestière. Nous proposons des solutions politiques dans deux domaines : la séquestration du carbone et la déforestation.

Contexte
Les secteurs en potentielle expansion d’une « économie durable » se disputent des terres de plus en plus rares, ce qui accroît la pression sur les forêts. Si une « bioéconomie » constitue une opportunité pour le secteur forestier, la croissance démographique, l’urbanisation et le soutien des énergies renouvelables peuvent induire des politiques contradictoires et soumettre la forêt à des compromis environnementaux susceptibles de s’intensifier. Les politiques forestières actuelles et leurs instruments s’en trouvent remis en question et des adaptations sont requises.
But
Ce projet visait à :
- identifier les compromis émergents en matière d’économie durable du point de vue du secteur forestier et les instruments politiques (fondés sur le marché) et combinaisons d’instruments pouvant y répondre,
- évaluer la faisabilité de ces instruments ou combinaisons d’instruments en examinant ceux qui sont les plus acceptables pour les acteurs et parties prenantes dans une région d’étude,
- projeter les répercussions des solutions suggérées sur l’utilisation des terres sur la base d’un modèle de simulation spatialement explicite.
Résultats
Les forêts et la concurrence pour l’utilisation des terres
L’analyse des demandes de défrichement révèle que les compromis induits par la durabilité soumettent l’utilisation des terres à concurrence. Les forêts du Plateau et des Alpes sont déboisées pour accueillir des projets de développement durable (géothermie, centrales éoliennes, hydroélectriques et à biomasse, « circulation lente », recyclage, etc.) bien que leur proportion soit relativement faible. La pertinence des critères socio-économiques déterminant leur localisation ne peut être établie clairement. Les variables topographiques et la structure du paysage ont à cet égard un meilleur pouvoir explicatif.
Une économie durable de compromis
Nous proposons un concept d’économie durable qui distingue les compromis émergents ou prévalents ainsi que les conflits d’objectifs d’ordre politique ou relevant de la gestion forestière.
Les secteurs de la foresterie rejettent généralement les instruments régulateurs, sauf en ce qui concerne les demandes formulées par d’autres secteurs. Des marchés artificiels (induits par la législation et les institutions qui limitent les émissions ou l’utilisation des ressources et distribuent des droits d’émission ou d’utilisation pouvant ensuite être commercialisés) sont susceptibles de résoudre diverses contradictions à condition qu’un cadre réglementaire solide protège les utilisations traditionnelles des forêts. Des stratégies fondées sur les droits de propriété pourraient aussi améliorer les approches politiques, en particulier en ce qui concerne les petits exploitants.
Les forêts et la séquestration du CO2
Une étude sur les options de séquestration et d’atténuation du CO2 – dont la forêt – qui s’offrent au niveau politique a été menée dans le canton de Lucerne. Elle révèle que les puits de carbone forestiers sont acceptés par une majorité d’acteurs plus centraux et bien coordonnés (administration cantonale, organisations régionales de propriétaires, forestiers, industrie de transformation du bois). En outre, de nombreux propriétaires plus jeunes et plus importants, qui remettent en question la rentabilité de la production de bois d’œuvre, privilégient l’augmentation du stock sur pied, le bois de chauffage et les puits de carbone s’ils génèrent des revenus suffisants.
L’étude réalisée sur la compensation des déforestations (canton de Berne) confirme que l’utilisation des terres crée un fort conflit d’objectifs entre les politiques sectorielles. Les accords bilatéraux identifiés entre coalitions de parties prenantes indiquent que des options politiques sont possibles (compensation intégrée à la production ou reboisement de zones urbaines), mais que les solutions fondées sur le marché sont rejetées. La plupart des propriétaires forestiers refusent toute compensation. D’autres, moins nombreux que dans l’étude précédente, préfèrent une compensation si elle se limite à des mesures intégrées à la production sur des sites moins rentables.
Implications pour la recherche
Peu documentée, la concurrence pour l’utilisation des terres revêt une grande importance dans les conflits d’objectifs entre secteurs (forêt incluse). Nous avons publié dans Forest Policy and Economics un article qui explore les différentes dimensions des compromis découlant des exigences posées à la forêt et corrobore cette approche conceptuelle au travers d’exemples issus de divers pays. En outre, les études de cas réalisées identifient des options politiques qui permettraient de séquestrer le carbone et de compenser la déforestation (et de préserver la biodiversité en général) d’une manière innovante, p. ex. en corrélant les structures privilégiées par les parties prenantes et les propriétaires forestiers.
Implications pour la pratique
Les recherches sur les données de déforestation ont suscité l’intérêt de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) et donné lieu à un projet de suivi. La mise en évidence des impacts négatifs susceptibles d’être exercés sur la forêt par la transition vers une économie durable permet d’identifier les lacunes de réalisation et d’accroître la sensibilisation. Les études de cas ont exigé une collaboration étroite avec les professionnels et abordé des questions actuelles, mais très complexes. L’identification des coalitions de parties prenantes et des préférences des propriétaires forestiers en vue de possibles réformes politiques a été bien accueillie.
Publications
Dicrection du project
Dr. Tobias Schulz
Eidg. Forschungsanstalt für Wald
Schnee und Landschaft WSL
Dr. Astrid Zabel von Felten
Centre for Development and Environment (CDE), Universität Bern
Dr. Eva Lieberherr
Departement Umweltsystemwissenschaften
ETH Zürich
Partenaires du projet
Pan Bern AG